Imola 1982 : Quand la F1 est coupée en deux partis Article de Stat F1 vous allez je pense aprécier.
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Le climat politique est très tendu avant ce Grand Prix de Saint-Marin. En effet, le lundi 19 avril le tribunal d'appel de la FISA se penche sur la réclamation portée par Ferrari et Renault contre Williams et Brabham, soupçonnées de tricherie au GP du Brésil. Grâce à un grossier artifice ces deux équipes faisaient en effet rouler des machines bien trop légères par rapport au poids réglementaire. Les commissaires de course brésiliens avaient rejeté la réclamation. Mais le tribunal d'appel de la FISA, malgré la sourde opposition du président Balestre, décide de déclasser la Brabham de Piquet et la Williams de Rosberg, donnant ainsi la victoire brésilienne à Prost et à Renault. Les écuries de la FOCA, menées par Bernie Ecclestone et Frank Williams, prennent cette sanction comme un véritable camouflet. Au contraire, Ferrari est si satisfaite qu'elle retire son appel déposé après la disqualification de Villeneuve à Long Beach.
Cette affaire tombe au plus mal pour Jean-Marie Balestre qui, une semaine après la course d'Imola, doit présenter devant le conseil mondial de la FIA réuni à Casablanca toute une série de nouvelles mesures techniques impopulaires, allant à l'encontre des Accords de la Concorde. Le président envisage en effet, dès la saison 1983, d'imposer aux écuries usant d'un moteur turbocompressé des limitations de carburant. Ce qui est entraîne bien sûr l'opposition des grandes marques groupées derrière Ferrari et Renault.
Mais ce sont les constructeurs britanniques de la FOCA qui se soulèvent. Le mercredi 21, Balestre, souhaitant peut-être se rapprocher des « légalistes », demande en tant que président de la FFSA les disqualifications de la McLaren de Watson, de la Lotus de Mansell, de la Tyrrell d'Alboreto et de l'ATS de Winkelhock, estimant que toutes ces équipes ont également triché au GP du Brésil. Furieuse, la FOCA annonce le soir même qu'elle va boycotter le GP de Saint-Marin. Cette décision concerne donc Brabham, Williams, McLaren, Arrows, Lotus, Tyrrell, ATS, Ensign, March et Theodore. Quelques heures plus tard, Guy Ligier annonce le forfait de son écurie pour... raisons techniques. La nouvelle voiture, la JS19, testée le week-end précédent à Imola, ne serait pas prête. Le patron français ne veut en fait pas avouer qu'il se rallie à Ecclestone: la semaine précédente Jacques Laffite avait annoncé que la nouvelle machine était parfaitement au point.
Seront donc présentes à Imola toutes les écuries légalistes, c'est-à-dire utilisant ou ayant l'intention d'utiliser un moteur turbo: Ferrari, Renault, Alfa Romeo et Toleman, auxquels s'ajoute la petite équipe Osella, alignée sur Ferrari. Cela fait un total de dix voitures or le règlement stipule qu'un Grand Prix ne peut se disputer qu'avec un minimum de treize concurrents. Le président de la fédération italienne Fabrizio Serena maintient le Grand Prix et, tout en annonçant de lourdes sanctions pour les écuries qui ne viendront pas, permet aux retardataires de s'inscrire jusqu'au samedi à 13h.
Dans la journée de jeudi le front commun de la FOCA semble se fissurer. A la surprise générale l'équipe Tyrrell annonce sa participation. Ken Tyrrell est pourtant un « ultra » de la FOCA et fait bien savoir qu'il est solidaire de ses amis britanniques. Mais il affirme qu'il est obligé de participer au Grand Prix afin de satisfaire ses sponsors transalpins, Candy et surtout la Ceramica Imola. Mais il apparaît très vite qu'en fait Tyrrell ne vient en Italie que pour servir de parasite. Ainsi Ken Tyrrell attend jusqu'au samedi à 15 heures pour confirmer sa participation à l'épreuve, celle-ci étant jusqu'alors conditionnelle. Surtout il dépose une invraisemblable réclamation contre les moteurs turbo, s'appuyant sur un article du règlement interdisant les moteurs à... turbines. Comme beaucoup de composants des F1 possèdent des turbines, cela fait bien rire les officiels. Enfin, ce qui est presque anecdotique, l'équipe se présente avec un nouveau pilote, Brian Henton remplaçant Slim Borgudd.
L'autre surprise est la présence de l'écurie ATS. Plusieurs raisons l'expliquent. Tout d'abord la faiblesse du plateau devrait permettre à l'écurie allemande d'inscrire des points. De plus Gunther Schmidt cherche à ménager la chèvre et le chou entre FOCA et FISA, car il serait en contact avec BMW pour la fourniture d'un moteur turbo. En tout cas Schmidt subit immédiatement des représailles de la part d'Ecclestone. Ce dernier, propriétaire de la société distribuant les pneus Avon, le manufacturier d'ATS, retient en Angleterre le camion chargé de livrer ses gommes à l'écurie allemande. Il ne parviendra à destination qu'in extremis.
Ce même jour, McLaren et Arrows semblent également se préparer à participer au Grand Prix. McLaren est en effet menacée d'une rupture de contrat par Marlboro tandis qu'Arrows est sous la contrainte de son sponsor italien Ragno.
Pendant ce temps-là les légalistes s'organisent face à Balestre et la FOCA. Le jeudi soir se réunissent autour d'Enzo Ferrari et de Jean Sage tous les constructeurs impliqués dans le développement de moteurs turbo: Renault, FIAT, Alfa Romeo, BMW, Porsche, Hart et Honda. Tous menacent de quitter la Formule 1 si le projet Balestre est adopté par la FIA à Casablanca.
Finalement le vendredi 22 avril seules quatorze voitures se présentent aux essais. Arrows a renoncé à venir, tout comme McLaren, et ce malgré la pression de leurs commanditaires. Niki Lauda, qui a tout fait pour que son écurie se rende à Imola, erre dans les paddocks, absolument furieux.
Il n'y aura plus guère de rebondissements politiques pendant ce week-end, exceptée la plainte saugrenue déposée par Tyrrell. Place au sport. En l'absence des grandes équipes britanniques, les Renault et les Ferrari sont évidemment les favorites. Malgré des soucis techniques, les Renault dominent les essais et Arnoux réalise la pole position, cinq dixièmes de seconde devant Prost. Les Ferrari occupent la deuxième ligne, Villeneuve devant Pironi, puis viennent Alboreto et les Alfa de Giacomelli et de Cesaris. Suivent Warwick, Jarier, Fabi, Henton, Winkelhock, Paletti et Salazar."