On l’a vu, le texte d’Hadopi version 2.0
est court. Très court : à peine 5 articles. Avec Michèle Alliot-Marie
aux commandes, la Rue de Valois se retrouve dépossédée du dossier. Mais
ce dossier, outre ce changement de commandant de bord, n’a plus rien à
voir avec le projet Création et Internet. Initialement, celui-ci visait
le P2P, taxé à l’aide de faibles études, d’être l’origine de tous les
maux dans l’assèchement des ressources. Désormais, Hadopi 2 ou plutôt
PPPLAI (pour Projet de loi relatif à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet) devient un véritable bulldozer. La faute à son champ d’application. Démonstration. Pour bien cerner le champ d’application d’Hadopi 2, il faut faire un
petit jeu de piste entre deux des cinq articles du projet de loi.
L’article 3 dit ainsi que «
lorsque l'infraction est commise
[en ligne], les personnes coupables des infractions prévues aux
articles L. 335-2, L. 335-3 et L. 335-4 peuvent en outre être
condamnées à la peine complémentaire de suspension de l'accès (...)
pour une durée maximale d'un an ». La référence aux articles L.
335-2, L. 335-3 et L. 335-4 permet d’embrasser toutes les hypothèses de
contrefaçons possibles et inimaginables. Cette brochette d’articles est
en effet le socle juridique de ce type d’infraction.
Hadopi 2, déconnecté du P2POn note ainsi une déconnexion manifeste avec la simple poursuite du
P2P. Cette généralisation est confirmée par l’article 1er de la loi qui
définit le champ d’application du texte en visant «
les infractions prévues au présent titre lorsqu'elles sont punies de la peine complémentaire de suspension de l'accès ». Le titre en question est le
titre III du livre III du Code de la propriété intellectuelle, lequel vise la
Prévention, les procédures et la sanction.
Nous l’avions déjà souligné, la suspension devient une peine
complémentaire à une peine de contrefaçon. On doit bien insister
là-dessus : en étant jumelée à la contrefaçon, la suspension est
envisageable désormais pour toutes les infractions au droit d’auteur
qui sont commises en ligne et plus lors d’un défaut de sécurisation.
Toto88 suspendu pour une seule vidéo sous Youtube uploadéeLa petite buse Hadopi 1 devient donc un vautour avec Hadopi 2. Quelques exemples pour en comprendre la portée.
Imaginons un internaute qui pompe en trois clics une photo de l’AFP
pour illustrer son petit blog personnel. Il commet un acte de
contrefaçon, qui plus est en ligne, il pourra donc être puni d’un an de
suspension d’accès en plus d’une peine de contrefaçon (jusqu’à 3 ans de
prison et 300 000 euros d’amende).
On peut continuer en roue libre puisque le périmètre du projet est
infini pourvu qu’on agisse en ligne. Par exemple, Toto88, un
internaute, met en ligne une vidéo de son enfant qui se vautre
gentiment dans l’escalier de sa maison. Pour faire bonne mesure, il
l’agrémente d’une musique, protégée par le droit d’auteur. Les ayants
droit dégainent les cartouches du projet de MAM et paf : Toto88 pourra
être suspendu d’internet pendant un an. Et on se doit d'imaginer quelle
sera la situation si Toto88 est un groupe politique de première
importance qui a diffusé sans autorisation sur internet la musique d'un
groupe anglosaxon...
Des problèmes de preuveCe n’est pas tout ; L’article 1er de la loi dit que «
les
membres de la commission de protection des droits, ainsi que ses agents
habilités et assermentés à cette fin dans les conditions déterminées
par décret en Conseil d'État, peuvent constater les infractions (etc.) ».
Cela signifie donc que la commission devient une administration dotée
des pouvoirs de police judiciaire puisque les procès-verbaux font foi
jusqu’à preuve de contraire. Tout ce régime n’est pas sans soulever de
multiples problèmes. Revenons à notre article 1er. Il dit que les
agents vont «
constater la commission de l’infraction ».
Constater la commission d’une infraction, ce n’est pas suffisant via
écran interposé. Ce n’est qu’une pierre à l’édifice d’une action en
contrefaçon. Pour constater l’infraction de Toto88, la simple mise à
disposition ne suffira pas. Cela démontrera un acte de représentation,
mais pas un acte de représentation sans autorisation. A aucun moment,
les agents n’auront la preuve que Toto88 n’a pas eu d’autorisation d’un
ayant droit et la seule transmission de l’adresse IP à un juge sera
bien maigre à satisfaire son appétit intellectuel et procédural.
Le contradictoire en débâcleEnfin, toute cette cuisine est placée dans un cadre où est normalement
exclu le débat contradictoire puisque c’est le régime de l’ordonnance
pénale qui va être privilégiée. Cette ordonnance est une voie où la
rapidité est privilégiée et évacue par principe tous les échanges
contradictoires. Une voie expresse, non une route de campagne.
Seuls 26 juges seront nommés en Francepour gérer cette usine, sans compter le risque d’appel qui engorgera
les cours supérieures déjà astreintes à un régime minceur des plus
rigoureux.
"On ne doit pas appeler ce projet Hadopi 2"Commentaire éclairé d’un juriste : «
ce projet de loi, on ne
doit pas l’appeler Hadopi 2. Le titre du projet de loi parle bien des
atteintes à la propriété intellectuelle. Ce n’est pas la suite, c’est
quelque chose de nouveau. C’est uniquement le décret qui est Hadopi 2.
C’est lui qui va venir mettre la cartouche supplémentaire, la dernière
étape de la riposte qui n’existe pas ici. »
Ce
projet de décretest un autre texte qui est actuellement à l’étude et qui veut
sanctionner de 1500 euros le délit de négligence d’un accès internet.
Toutefois, selon les derniers bruits, son avenir serait maintenant
incertain...
c'est long trés long mais c'est grave.
je rajoute ça :
http://www.pcinpact.com/actu/news/51631-hadopi-communication-electronique-surveilllance-email.htm